Voici un court extrait de cet entretien avec le remarquable écrivain libre et rare qu'est Alain Marc:
Andy Verol : Pourriez-vous faire état de votre parcours d’écrivain, et peut-être, si vous l’acceptez, expliquer vos choix particuliers, cette préférence manifeste pour l’écriture contestataire ?
Alain Marc : L’écriture est née chez moi d’une nécessité de dire : il fallait que je prenne mon stylo, et que je dise. Pour aller vite, venant d’un monde hors du milieu - et de la connaissance, du paraître et des us et coutumes - littéraire, j’ai bien vite rencontré la censure. Censure la plus terrible, celle de la contestation, de l’autre (qui partait comme toujours de points de détails : « Ah, ces majuscules ! », ou, « Et ces coupures de vers... »), née de l’incompréhension, et en fin de compte celle du silence. Qui se poursuit d’ailleurs toujours aujourd’hui... Mes premiers écrits, assez vite, prirent deux voies : celle qui travaille sur la coquille extérieure des mots pour travailler, atteindre mettre en question, le sens, donc, par un travail de politique de la littérature, avec les regards hallucinés (qui rencontrent eux aussi la censure je l’imagine, sous le prétexte fallacieux de l’apparente facilité qu’il y aurait à les écrire...), et une deuxième que je rangerai sous la bannière des paroles bien mystérieuses de Mallarmé - que je suis visiblement le seul à avoir remarquées... - de par leur caractère unique, quand il parle avec cette belle inversion de « vers par flèches jeté » (note de « la Musique et les lettres »), voie basée sur le dire, qui part du, mais aussi sur l’oralité, nommée quelques temps après « poèmes à dire et à crier », qui pour les derniers sont destinés à finir dans le « murmure ». Deuxième voie ô combien censurée puisqu’elle remet entièrement en cause la vision que quasiment tout le monde partage de la poésie et que j’ai récemment synthétisée sous la formule « la poésie doit quitter la beauté », slogan - j’aime les slogans ! - que j’ai repris deux jours plus tard pour l’ouverture de mon blog anthologique.
Cette première présentation pourra paraître compliquée mais tout est en fait très simple, à commencer par les textes eux-mêmes où je cherche avant tout l’expression la plus directe et donc, la plus « simple » (autre source de censure). La censure donc, et l’incompréhension générale, qui furent à l’origine de ma première période difficile - on ne fait pas d’art si on n’y risque pas sa propre vie dit-on... - à l’origine également de ma première grande décision d’ouvrir un journal, et de commencer à NOTER. À l’origine aussi, quelques années après, utilisant une période de retour par l’université (afin d’essayer de sonder le pourquoi de), de mon essai Écrire le cri. Et en fin de compte première base, combat, sur une période de presque vingt ans, pour arriver à écrire tout, ce que j’avais « programmé » d’écrire dès le tout début, ce que je ne suis toujours pas arrivé à faire aujourd’hui de façon satisfaisante - ayant néanmoins réussi à aller une première fois « au bout » de toutes mes notes et projets de carnets et autres essais et recueils de poésie et de littérature.
Vous trouverez la suite de cet entretien sur le site des éditions du Mort-Qui-trompe:
http://www.le-mort-qui-trompe.fr/article176