Je ne sais plus quoi penser de Cantat. Je ne sais pas si je suis enchanté par un retour quelconque de ce gars. Que voulez-vous, je l'imaginais plutôt dans un appartement de banlieue, avec une grosse barbe bien épaisse et des yeux plein de cernes dessous. Je l'imaginais penché sur un bol de café au lait à râler bruyamment comme un bûcheron sans tronc, un pochetron sans litron, un ouvrier sans patron.
Cantat, je l'imaginais se lever sa carcasse, traîner de la patte pour aller aux chiottes, shooter involontairement dans le bordel dégueulasse qui s'est entassé dans son appartement d'ex-taulard. Je l'imaginais par dessus la cuvette à cracher des filets de sang, à gratter, fébrile, son chibre odorant. Que veux-tu, Cantat, je l'imaginais puer de la tête, les cheveux/broussaille, les bras maigres, les épaules tombantes... Je l'imaginais parler seul, lorsqu'il se dirigeait vers son canapé marron éventré, pour regarder la télé, faire quelques mots croisés, bourré... Parce que Cantat, je le pensais mort, bien mort... Entendons-nous bien... Pas mort dans l'absolu... Mais agonisant... Mort dans la sphère publique assurément... Non parce qu'il a un jour pété un câble, mais parce qu'il a disparu... Il s'est fondu dans cette vie parallèle dont personne ne rêve... Cette vie qu'il avait judicieusement évitée durant des années... Qu'il avait mis à l'écart, pour gueuler, suinter, chuchoter, susurrer, murmurer, hurler et chanter ses textes d'âme pure, simple, et efficacement mis en exergue par les compositions de ses frères fantômes... Bertrand Cantat, je l'imaginais fuir le jour, marcher la nuit... Avec la sensation d'avoir compris que tout peut s'arrêter là, tout de suite, dans un instant seulement...
Voilà, je l'ai fait mon texte des 4 ans du crime... C'est bien hein? Mais alors? Ensuite? Et les autres... Ceux qui écrivent aussi... Ceux qui ont tué sans jamais écrire. Ceux qui ont déjà écrit sans jamais penser... Je l'imaginais dans un pantalon abîmé, dans cet appartement délabré... Cantat.
Andy Verol