Toute cette hypocrisie qui dégouline sur toi, qui dégouline de toi, qui t’englue, qui t’engraisse. Toute cette hypocrisie qui te permet de vivre, de chier ta croûte, de faire ton temps. Cette gentille façon de te vendre gentiment. Toute cette hypocrisie qui te recouvre, qui te repeint de faux semblants, de faux sourires, de fausses écoutes. Cette manière de te contenir, de prendre sur toi en sécrétant immanquablement le même fiel gluant de toi, le même faux jus de toi, ce jus sucré et transparent, ce jus collant, ce sirop de dégoût, qui te recouvre jour après jour, heure après heure, à chaque seconde que tu auras perdu à te vendre pour survivre. La délicate prostitution de tes sourires. La fine couleur de tes mensonges. L’odeur de ta compromission. Et il aura fallu que tu aies ce courage d’accepter de te vendre, il aura fallu que ce fusse du courage de décider de perdre. Il aura fallu que tu te résignes à la maturité de tes mensonges. Il aura fallu que tu apprennes à grandir, à accepter, à te résoudre, à assumer, à te débrouiller, autrement dit, à perdre. Le courage de ton imposture. Toute cette application que tu auras mis à perdre, chaque jour, à t’éloigner de toi même, chaque jour, à composer ton petit pipeau, ta musique de route, la playlist de tes régressions, chaque jour. Jusqu’à ce que tu en crèves de disparaître. Jusqu’à ce que tu te gerbes de toi même, de ton mépris, de ton gâchis, de ta pourriture parfumée, de ton mensonge. Et tu pourras haïr les autres. Et tu pourras haïr ta mère, ton sang, ton pays, tes idoles. Tu pourras broyer tes enfants. Et tu pourras devenir méchant, ou fou, ou morbide, ou cynique, ou fuyant. Tu n’écorcheras plus la carapace gluante de ta réussite. Tu seras devenu un mensonge. Un employé modèle. Un pisse-froid. Un patron. Un patient. Un malade. Tu seras devenu toi. Mais n’ai pas peur. Tu ne te souviendras plus de rien d’ici là. Tu ne te souviendras plus de toi.